Au cours de
l'histoire récente, des réparations ont été approuvées et versées aux groupes
et aux personnes pour les torts commis à leur encontre. Mais étrangement, les
Africains et les Afro-descendants de la Diaspora n'ont reçu aucune réparation
pour les atrocités commises contre eux
par ceux qui ont transformé les Africains en marchandises pendant près
de deux millénaires, envahi et occupé le continent et ensuite, colonisé et néo-colonisé
les Africains.
La réparation attendue depuis longtemps
En 2022, nous avons commémoré la Journée mondiale de la Justice Internationale, le 17 juillet, avec le thème "La réparation attendue depuis longtemps".
Au cours de l'histoire récente, des réparations ont été approuvées et versées aux coréennes utilisées comme «femmes de réconfort», aux américains d'origine japonaise, à ceux qui sont considérés comme étant des juifs aujourd’hui et à d'autres groupes pour les torts commis à leur encontre.
Mais étrangement, les Africains et les Afro-descendants de la Diaspora n'ont reçu aucune réparation pour les atrocités commises contre eux.
Cette discrimination flagrante est due à deux facteurs principaux :
- le premier étant que, pendant près de deux millénaires, les Noirs ont été dégradés, diabolisés et déshumanisés dans la littérature, les films et les médias grand public, comme prologue ou justification de l'impérialisme, du colonialisme, de l'esclavage, de l'occupation étrangère et de l'apartheid. Aussi, la souffrance, la douleur et les traumatismes des Noirs sont banalisés par rapport à ceux des autres.
- Et la seconde étant l'idée fausse selon laquelle les Africains, et les Noirs en général, sont dociles et crédules, toujours prêts à pardonner et à oublier une fois que des excuses bien formulées ont été présentées.
L'histoire a identifié les personnes et les organisations impliquées : l'église catholique romaine, l'église d'Angleterre, les institutions financières, les établissements d'enseignement et les gouvernements d'Europe occidentale, des États-Unis et du monde arabe; qui ont transformé les Africains en marchandises pendant près de deux millénaires, ont envahi et occupé le continent et ensuite, ont colonisé et néo-colonisé les Africains.
Si ces mêmes institutions et gouvernements peuvent soutenir ou approuver les réparations versées aux des coréennes utilisées comme «femmes de réconfort», aux américains d'origine japonaise, aux koweïtiens, à ceux qui sont considérés comme étant des juifs aujourd’hui, et même aux riches esclavagistes, ils peuvent certainement en faire autant pour les Africains et les personnes d'origine Africaine de la Diaspora.
Appels à réparation : de 1919 à nos jours
· En 1919, Marcus Garvey (1887-1940), un militant politique, éditeur, journaliste, entrepreneur et orateur jamaïcain qui a développé un programme de "Retour en Afrique", a argumenté en faveur de réparations pour les crimes de l'esclavage et du colonialisme.
· Suite aux appels des activistes Afro-Brésiliens pour la reconnaissance et la réparation, dans le cadre de la constitution de 1988, le Brésil a donné aux Afro-Brésiliens qui vivent dans les Quilombos (colonies fondées par des Africains qui ont résisté au régime d'esclavage qui a prévalu au Brésil pendant plus de 300 ans) un droit constitutionnel de rester sur leurs terres. Mais 34 ans plus tard, le gouvernement brésilien n'a toujours pas délivré tous les titres fonciers promis par la constitution.
Et de nombreux Afro-Brésiliens estiment que la garantie du Brésil est une promesse en l’air, aussi vaine que la promesse de 40 acres et d'une mule faite par l'Amérique aux Afro-Américains réduits en esclavage.
· Le 17 août 2002, date du 115e anniversaire de la naissance de Marcus Garvey, le premier rassemblement national pour les réparations, «Des millions pour les réparations», a eu lieu à Washington, DC, pour soutenir les réparations pour les Afro-Américains. Les orateurs ont décrit une oppression continue depuis l'esclavage, la reconstruction, Jim Crow, les droits civils, l'épidémie de crack, l'incarcération de masse jusqu'au racisme structurel anti-Noir actuel.
Selon les orateurs,
les crimes n'ont pas pris fin le 19 juin 1865 ; ils ont simplement pris des
formes différentes.
• La première Conférence Panafricaine sur les Dédommagements pour l'Esclavagisme, la Colonisation et la Néocolonisation Africaine, s'est déroulée à Abuja au Nigeria du 27 au 29 avril 1993. La conférence était présidée par Chief Moshood Kashimawo Olawale Abiola GCFR (1937-1998), également connu sous le nom de MKO Abiola, homme d'affaires, politicien et philanthrope Nigérian.
La Conférence Panafricaine sur les Dédommagements pour l'Esclavagisme, la Colonisation et la Néocolonisation Africaine a abouti à la Déclaration d'Abuja, qui appelle la communauté internationale à reconnaître qu'il existe une dette morale unique et sans précédent envers les peuples Africains, qui n'a pas encore été payée. Elle appelle également à la restitution des biens, des artefacts et d’autres trésors traditionnels volés, à l'annulation des dettes et à la nécessité de donner aux peuples Africains davantage de pouvoirs et de représentation au sein des principaux organes décisionnels, notamment un siège Africain permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
La Proclamation d'Abuja a représenté un moment clé dans l'histoire contemporaine des efforts de réparation, et elle a servi de catalyseur pour revitaliser les mouvements de réparation.
Avec l'emprisonnement et la mort mystérieuse de MKO Abiola, la question de la réparation a subi un revers majeur. Heureusement, d'autres organisations fondées par des personnes d'ascendance africaine ont pris le relais et ont poursuivi l'appel à la réparation.
· L'Africa Reparations Movement (ARM UK) a été créé par le député Guyanais Bernie Grant en décembre 1993 à la suite de la Conférence Panafricaine sur les Dédommagements pour l'Esclavagisme, la Colonisation et la Néocolonisation Africaine qui s'est tenue au Nigeria en avril 1993.
L'objectif d'ARM UK était de demander la réparation pour les dommages causés à l'Afrique et à la Diaspora africaine par l'esclavage, la colonisation et le racisme. ARM UK a organisé des événements pour sensibiliser et exiger la restitution des objets pillés ou volés en Afrique pendant l'invasion coloniale.
ARM UK a toutefois cessé ses activités en 2000 après le décès de son président, le parlementaire Bernie Grant.
· En 1999, la African World Reparations and Repatriation Truth Commission a appelé l'Occident à verser 777 000 milliards de dollars à l'Afrique dans un délai de cinq ans.
· El Movimiento Panafricanista de España (MPE), Mouvement panafricain d'Espagne, a vu le jour au milieu des années 1990, et participe activement à la demande de réparations.
· Fondé en 2001, le Mouvement International pour les Réparations (MIR) en Martinique, a entrepris des actions pour obtenir la réparation des crimes contre l'humanité.
Le MIR a également intenté une action en justice contre la France afin d'obtenir réparation pour les descendants des personnes d'origine africaine en Martinique pour les crimes commis pendant la traite négrière.
· En septembre 2001, la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, qui s'est tenue à Durban, en Afrique du Sud, a soutenu une résolution affirmant que l'Occident devait des réparations à l'Afrique en raison du "racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée" causés par la traite négrière transatlantique.
· En 2003, le président d'Haïti, Jean-Bertrand Aristide, a demandé à la France d'indemniser Haïti pour plus de 21 milliards de dollars, l'équivalent moderne des 90 millions de francs-or qu'Haïti a dû payer après avoir obtenu son indépendance de la France en 1804, à la suite d'une révolution qui a duré de 1791 à 1804.
En 2004, une poursuite intentée par Haïti, pour revendiquer le remboursement de l'argent que la France avait extorqué à Haïti, avait été abandonnée lorsque la France a provoqué et a soutenu le renversement du gouvernement Haïtien.
· En 2004, une coalition de militants Jamaïcains, dont des membres de Rastafari, a demandé aux nations européennes qui avaient participé à la traite négrière transatlantique de financer la réinstallation de 500 000 Rastafari en Éthiopie (ce qu'ils ont estimé à 72,5 milliards de livres sterling, soit environ 150 000 USD par personne).
· À partir de 2004, les demandes de réparation sont réapparues dans les documents officiels de l'Union Africaine. Dans le plan d'action 2004-2007 de la Commission, approuvé par l'Assemblée lors du Troisième sommet de l'Union africaine (UA) du 6 au 8 juillet 2004, l'un des événements prévus pour 2005 était le débat sur l'esclavage dans tous les parlements Africains, dans le but de le déclarer comme un crime contre l'humanité et d’aborder la nature de réparations.
· Dans son discours d'ouverture au Sommet de l'Union africaine qui s'est tenu à Khartoum, au Soudan, du 16 au 24 janvier 2006, le Président de la Commission Alpha Oumar Konaré a rappelé que le devoir de maintenir vive la mémoire était un combat collectif africain, qui nous oblige à exiger la réparation, ou dans autres mots, la reconnaissance des crimes commis.
· En 2007, le Président de la Guyane, Bharrat Jagdeo, a officiellement demandé aux nations européennes de payer des réparations pour la traite négrière.
· Le 23 septembre 2009, dans son discours à l'occasion de la 64ème Session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le président Muammar al-Gaddafi, président en exercice de l'Union Africaine, a déclaré que l'Afrique méritait 777 000 milliards de dollars de dédommagement de la part des pays qui l'ont colonisés et également pour les ressources et les richesses volées dans le passé.
Muammar al-Gaddafi a également déclaré que la colonisation devait être punie et que les pays qui ont porté préjudice à d'autres peuples pendant l'ère coloniale devaient payer des compensations pour les dommages et les souffrances infligés sous leur domination coloniale.
· En 2010, à l'occasion du 125ème anniversaire de la tristement célèbre conférence de Berlin au cours de laquelle les dirigeants européens se sont réunis pour diviser l'Afrique et tracer arbitrairement des frontières qui existent encore aujourd'hui, les représentants de nombreux pays Africains présents à Berlin ont demandé réparation pour l'ère coloniale.
"La division arbitraire du continent entre les états européens, qui ignorait les lois, la culture, la souveraineté et les institutions africaines, était un crime contre l'humanité", ont-ils déclaré dans un communiqué.
Ils ont demandé le financement de monuments sur les sites historiques, le retour des terres et des autres ressources qui ont été volées, la restitution des trésors culturels et la reconnaissance que le colonialisme et les crimes commis sous le colonialisme règne étaient des crimes contre l'humanité.
Les commémorations d'événements marquants de l'histoire coloniale allemande ont été utilisées pour mettre en avant la question du colonialisme et du post-colonialisme allemands : 100 ans du génocide contre les Herero et les Nama en 2004, 100 ans du soulèvement de Maji Maji au Tanganyika en 2005 et 125 ans de la Conférence de Berlin en 2009.
· En 2011, Antigua-et-Barbuda a demandé réparation aux Nations unies, affirmant "que la ségrégation et la violence à l'encontre des personnes d'ascendance africaine avaient compromis leur capacité à progresser en tant que nations, communautés et individus".
· La Commission des réparations de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a été créée en septembre 2013.
En 2014, 15 nations caribéennes ont dévoilé le "Plan en dix points de la CARICOM pour la justice réparatrice", qui énonce les demandes de réparations de la part de l'Europe "...pour les souffrances durables infligées par la traite négrière transatlantique".
Parmi ces demandes figuraient des excuses officielles de toutes les nations impliquées (par opposition aux "déclarations de regrets"), le rapatriement des Africains déplacés dans leur pays d'origine, des programmes visant à aider les Africains à connaître et à partager leur histoire, et des institutions visant à améliorer l'alphabétisation, la santé physique et la santé psychologique des descendants des personnes réduites en esclavage.
· En 2016, l'ambassadeur d'Antigua-et-Barbuda aux États-Unis, Sir Ronald Sanders, a appelé l'université de Harvard à "démontrer ses remords et sa dette envers des personnes réduites en esclavage non nommées d'Antigua-et-Barbuda."
Selon lui, Isaac Royall Jr, le premier professeur de droit à Harvard, avait recours aux personnes réduites en esclavage de sa plantation à Antigua lors de la création de Harvard Law School.
· En 2021, le gouvernement Jamaïcain a de nouveau avancé l'idée de réparations pour l'esclavage. Il a été rapporté que le gouvernement jamaïcain demandait quelque 7 milliards de livres sterling de réparations pour les dommages de l'esclavage, y compris les 20 millions de livres sterling versés aux anciens propriétaires d'esclaves par le gouvernement britannique.
· En 2022 à l'occasion du jubilé de platine de la reine, les appels à la réparation lancés par les Africains et les Afro-descendants de la Diaspora se sont faits plus fréquents et plus nombreux.
Car en sept décennies, la reine n'a pas reconnu les méfaits de l'empire, dont elle était la figure de proue cérémoniale jusqu'à sa mort, en offrant réparation pour l'engagement historique de la monarchie à l’égard de l'esclavage et le rôle de la Grande-Bretagne dans la traite négrière.
· Louis Farrakhan, leader du mouvement religieux, Nation of Islam, dans son allocution le 10 novembre 2022, au sujet de la controverse entourant les fausses accusations d'antisémitisme portées contre Kyrie Irving et Ye a déclaré "la réparation est ce que nous méritions pour la douleur et l'angoisse que vous nous avez fait subir".
Le Droit à la Justice et à la Réparation
En 2020, dans le but de se souvenir les victimes - les dizaines de millions d'Africains et d'Afro-descendants dont l'histoire ne sera jamais racontée, qui ont été privés de leur langue, de leur culture, de leur famille, de leur identité et de leur héritage ; des enfants, des femmes et des hommes qui ont été amenés à se sentir inférieurs aux niveaux mental, émotionnel, physique et spirituel, et dont les restes sont dispersés à travers l'Afrique et la Diaspora dans des tombes non marquées - et d'honorer leur mémoire, nous avons publié une vidéo intitulée Justice et Réparation.
La vidéo intitulée «Justice et Réparation» présente 51 ressources en anglais, français et portugais, rédigées par des historiens, chercheurs, experts et écrivains Africains, Afro-Américains, Afro-Brésiliens, Guyanais, Martiniquais, Barbadiens, Trinidadiens et Afro-Irakiens, qui traitent du lien entre le racisme, l’esclavage et la religion et plaident pour la justice et la réparation pour les victimes de la traite négrière arabe, la traite négrière transatlantique, du colonialisme et de l'apartheid.
Une chose est claire: la compensation monétaire n'apaisera pas la douleur, la torture et la souffrance de nos ancêtres, ni le traumatisme multi-générationnel transmis d'une génération à l'autre.
De même, aucune somme d'argent ne peut réparer entièrement les dommages causés par la traite négrière arabe, la traite négrière transatlantique, le colonialisme et l'apartheid, mais la réparation est un élément important de la reconnaissance et de la correction de l'injustice.
Défendez vos droits
Pour reprendre les mots des légendaires chanteurs et auteurs-compositeurs jamaïcains de reggae, Bob Marley (1945-1981) et Peter Tosh (1944-1987):
Lève-toi, debout
Défend tes droits
Lève-toi, debout
N'abandonne pas le combat
Malgré le cynisme évident, les obstacles et les complexités, la réparation est une question qui relève des droits de l'homme, fondée sur des arguments légaux en béton, et nous devons continuer à exiger la réparation pour régler l'injustice historique qui a été perpétrée contre les Africains et les Afro-descendants dans toute la Diaspora, et dont les blessures persistent encore de nos jours.
#DéfendtesDroits #NabandonnePasleCombat
Bunmi Awoyinfa
House of Mercy Children's Home Lagos, Nigeria (HOM) est une organisation caritative qui concentre son action sur la faim infantile, la pauvreté infantile, l'itinérance des enfants, l'analphabétisme des enfants et l'aide aux enfants en situation d’urgence.
Tout en essayant d'atténuer les effets de l'appauvrissement planifié sur nos bénéficiaires à travers nos programmes, nous estimons également que c'est une question de justice sociale de s'attaquant aux causes profondes des problèmes de l'Afrique et de proposer des solutions adaptées et efficaces.
Justice et Réparation
La traite négrière arabe
La traite négrière transatlantique,